Les représentants de toutes les tribus sahraouies de la province de
Oued Eddahab faisaient ce jour-là acte d'allégeance au Roi du Maroc.
Notre pays récupérait ainsi la province que les Espagnols, depuis
qu'ils l'avaient occupée au siècle dernier, appelaient Rio de Oro et
qui, dans le cadre de l'accord tripartite de Madrid de novembre 1975,
avait été confiée à la Mauritanie. Son rattachement naturel au Royaume
ce jour du 14 août 1979 fut, outre un échange intense d'allocutions,
marqué par une cérémonie émouvante au Palais royal de Rabat au cours de
laquelle les chefs de tribus venus de la province de Dakhla
renouvelaient le serment de fidélité au Roi.
Oued Eddahab constituait la dernière province du Sahara rétrocédée au
Maroc. Ses populations ne s'étaient jamais départies de leur
marocanité, régulièrement exprimée et manifestée à chaque fois que
l'occasion leur en fut donnée. Le 14 août 1979 symbolisa de ce fait une
manière de retrouvailles et illustra surtout de manière éclatante ce
que les historiens n'ont jamais cessé d'invoquer, à savoir
l'enracinement de la plupart des dynasties marocaines, en particulier
des Alaouites, dans le Sahara.
Sans doute en effet, faudrait-il souligner que les populations de
l'extrême sud du Sahara refusaient encore plus irrémédiablement que les
autres leur isolement imposé par l'occupation coloniale du Royaume du
Maroc. Leur retour ce 14 août, le caractère chaleureux qui le
caractérisa malgré une solennité dépouillée de tout protocole mais,
bien au contraire, trempée dans une forte émotion, enfin l'échange de
mots entre feu S.M. Hassan II et les chefs de tribus sahraouies, et
puis cette distribution solennelle et symbolique par le Souverain
défunt des armes aux vieux chioukh dignement drapés dans leur “abaya”
bleue !
Cette remise de fusils aux chefs de tribus n'avait-elle pas un sens ?
Celui notamment d'un appel à la continuité du combat farouche pour
sauvegarder nos territoires que les séparatistes du polisario, quelques
mois plus tard, s'acharneraient à attaquer à partir de Tindouf ? Avant
que le Maroc ne se résolvât trois ans plus tard à édifier le Mur de
défense pour faire échec aux agressions armées et à menacer d'appliquer
le fameux “droit de suite”. Il lui fallait préserver la cohésion de ses
populations des provinces sahariennes. Il lui incombait de leur donner
tous les moyens de se défendre. La symbiose entre le Roi et son peuple
impliquait et implique toujours un principe d'engagement réciproque, de
l'un à l'autre, pour la défense commune de la souveraineté nationale.
Non que ce principe sacro-saint n'ait vu le jour ou connu son
application que récemment. Il remonte en fait à des temps immémoriaux,
concerne également les contrées du Maroc tout entier. Et pour ce qui du
Sahara, l'histoire nous montre que du principe de sa défense, les Rois
du Maroc, des Almoravides ( Mourabitine) jusqu'à Mohammed VI
aujourd'hui, en passant par Al Mansour Eddahbi, Moulay Ismaïl, feus
Mohammed V et Hassan II, en ont fait plus qu'un devoir sacré, un
impératif absolu.
A ceux qui ne peuvent comprendre cette filiation généalogique, il
convient de rétorquer qu'il s'agit-là d'un véritable pacte de défense
et dont l'acte d'allégeance constitue le cadre général. L'ambivalence
ne fait pas une politique. Or, depuis quarante ans maintenant au moins,
les gouvernements algériens successifs, excepté peut-être celui de
Chadli Bendjedid et du président Zéroual, se sont passé le mot :
soutenir le séparatisme au Maroc, entretenir une “affaire” en remuant
chaque fois le couteau dans la plaie.
Or, également, le Maroc ne se départit jamais pour autant de sa
vigilance contre les tentatives de déstabilisation et passe outre ce
“voisinage obligé” dont le trait essentiel est de détourner les
problèmes internes sur les frontières du Maroc. “L'affaire du Sahara”,
invention de ce qu'on appelle le machiavélisme , a obéi à une logique
de déstabilisation propre aux “ services”, en l'occurrence algériens et
espagnols.
De quelques manifestations de collégiens dans les années soixante
contre l'occupation par l'Espagne du Sahara, nous disons contre
l'Espagne, la propagande algérienne de l'époque a su faire son miel. En
1968, les mêmes collégiens devenus étudiants, dont un certain Mustapha
El Ouali, Mohamed Abdelaziz et Hadrami, n'avaient-ils pas avec
d'autres, à Lâayoune, Tarfaya, Smara, Boujdour, Dakhla, organisé de
grandes manifestations contre la présence de l'Espagne en réclamant,
drapeaux marocains hissés, le retour du Sahara au Maroc ?
N'appartenaient-ils pas à l'UNEM de l'époque ? Les mêmes aussi, mettant
à profit le moussem de Tan-Tan en 1971 s'étaient heurtés aux forces du
“tercio”, non sans subir une féroce répression.
En 1973, date cruciale, fuyant les arrestations opérées par les
autorités de Madrid, ils rejoignaient les uns après les autres la
Mauritanie, puis Tindouf, où la sécurité militaire algérienne les
reprenait en main, les encadrait et les préparait. Sauf que, à rebours
de ce que proclame la propagande algérienne et notamment la presse, ces
Sahraouis marocains partis à Tindouf ne formaient qu'une poignée de
cinquante personnes. Et quand bien même les mêmes mensonges
s'acharneraient à grossir les chiffres, pas plus de quelques centaines
de personnes avaient été récupérées dans les fourgons de l'armée
algérienne au lendemain de la Marche verte pour être acheminées “manu
militari” à Tindouf.
La quasi majorité des Sahraouis, nous ne cessons de le dire et de
l'écrire, soit quelque 80 000 selon le recensement opéré par le
gouvernement espagnol pour les Nations unies, se trouvaient au Maroc et
les quelques milliers de Sahraouis qualifiés de “réfugiés” de Tindouf
et Lahmada sont en réalité des séquestrés, conduits autrefois de force
par l'armée algérienne après la libération du Sahara en novembre 1975
et les agressions lancées contre le Maroc à Amgala en février 1976. Le
Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) s'est échiné à réclamer des années
durant l'autorisation des autorités algériennes pour accéder aux camps
de Tindouf, dénombrer et authentifier les vrais des faux Sahraouis, il
n'y est jamais parvenu.
L'on sait cependant que les camps regroupent davantage de Touaregs, de
Nigériens, de Maliens, de Mauritaniens qui, fuyant les dures
sécheresses endémiques, sont récupérés par les autorités frontalières
algériennes. L'on sait également que les 4 ou 5000 Sahraouis conduits
de force à Tindouf en 1975 ne peuvent en trente ans devenir 1 million
ou plus, comme la propagande le laisse entendre. Il y a là un problème
urgent d'identification, car les Sahraouis authentiques dans leur
immense majorité se trouvent au Maroc, à Lâayoune, Smara, Boujdour et
dans cette province dont on célèbre aujourd'hui le retour.
Tant et si bien que, renouant avec le principe d'engagement civique et
militaire, fidèles aussi à la tradition de leurs ancêtres, les
populations de Oued Eddahab, dont la mémoire riche s'est nourrie des
faits d'armes pour la défense du Maroc avaient tenu à renouveler
fortement leur serment au Roi.
Cérémonie haute en couleurs, forte en symboles, l'allégeance réaffirmée
par les populations de Oued Eddahab le 14 août 1979 parachevait côté
sud l'intégrité territoriale du Maroc. Sa commémoration aujourd'hui est
un acte de foi qui nous rappelle que sa préservation se heurte toujours
à la même mauvaise foi de nos adversaires algériens. Du retour de Oued
Eddahab aux négociations de Manhasset, l'histoire a suivi son cours,
marqué par une série d'événements majeurs : retrait du Maroc de l'OUA
en 1984, création de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) en février 1989 à
Marrakech, mise en œuvre d'un plan de règlement des Nations unies au
Sahara avec la mise en place de la Minurso et un lancement avorté par
l'Algérie et le polisario d'un recensement des populations en vue d'un
éventuel référendum, les plans Baker qui sont morts de leur belle mort
après que le Maroc les ait récusés à juste titre, enfin cette décision
historique qu'aura été le vote à l'unanimité par le Conseil de
sécurité, le 30 avril 2007, de la résolution pertinente 1754 invitant
les parties à des contacts directs, encourageant la mise en œuvre de
l'initiative du Maroc pour une autonomie dans le Sahara.
Les populations du Sahara n'ont pas été de simples témoins mais les
véritables acteurs d'une histoire dont les pages continuent d'être
écrites. Une histoire rythmée et qui arrive aujourd'hui à un tournant
significatif. Le Maroc, initiateur d'un modèle de règlement de
“conflit”, a repris la main, si tant est qu'il l'ait jamais perdue -,
dans la gestion de cette affaire, dont les arrière-plans au niveau
algérien restent à la fois mystérieux et d'une limpidité hallucinante.
Il convient, néanmoins, de souligner que la cohésion nationale, la
consolidation du front intérieur de Tanger à Lagouira, la prise en
compte malgré tout par les dirigeants algériens que rien ne viendra
entamer l'unité du peuple marocain dans cette “affaire” qui est la
sienne, le soutien évident de la communauté internationale au projet
d'autonomie constituent des facteurs objectifs et dynamiques dans le
sens d'un règlement honorable. Car il n'est pas d'autre issue que ce
laborieux chemin qui va au-delà des égoïsmes des nations et des
orgueils de régime. Le Maroc aura fait le nécessaire, il reste ouvert,
mais ne saurait mettre en cause sa cohésion, son intégrité territoriale
et sa souveraineté nationale au prétexte que le gouvernement algérien
nous les conteste.
Une vision moderne pour le Sahara
S.M. le Roi Mohammed VI, tout juste après avoir accédé le 30 juillet 1999 au Trône, a dépêché dix jours plus tard un émissaire à Dakhla. Il s'agissait de Mohamed Allal Sinaceur, conseiller de S.M. le Roi, et porteur d'un message Royal pour les populations de cette province. Plus que la sollicitude, ce fut une profession de foi, d'affection et d'attachement.
C'était le 13 août 1999, une date symbole, un signe que le nouveau Roi du Maroc, fidèle à l'engagement de son père, son grand-père et ses ancêtres, n'a pas dérogé à la ligne ni à la philosophie qui est au cœur d'une histoire se faisant et jouant un rôle de principe fondateur: la symbiose entre le Souverain et les populations du Sud.
Le conseiller de S.M. le Roi avait donné lecture au message Royal lors d'un grand meeting à Dakhla, où il soulignait que «parmi les anniversaires bien ancrés en nous et bien enracinés dans nos sentiments, figure cet anniversaire si cher que nous célébrons le 14 août de chaque année, en commémoration de la récupération de la chère province de Oued Eddahab, et en signe d'attachement à la signification de ce grand événement, en l'occurrence des valeurs nationales et l'exercice des responsabilités qu'exige la souveraineté dans sa plénitude sur notre territoire et qui découlent de nos obligations envers nos provinces du Sud.
Celles-ci ont été et resteront une partie intégrante de notre territoire national dans le cadre d'un Etat aux assises bien établies et aux fondements solides.» Le message Royal aux populations de Dakhla était venu compléter de manière solennelle l'engagement déjà réaffirmé avec ferveur et détermination par le Souverain dans le discours du 30 juillet 1999 sur le Sahara.
La création du CORCAS, le renforcement de ses structures institutionnelles et humaines constituent en fait l'instrument opératoire à la vision Royale d'une solution politique négociée, qui est aux yeux des responsables de bonne foi plus qu'une caution, mais aussi la proposition la plus audacieuse et la plus plausible.